L’ange pleureur de la Cathédrale d’Amiens devient un bijou hommage

Dans le cadre des commémorations du centenaire de la bataille de la Somme, la joaillerie Flinois, fondée à Amiens en 1739, associée à des entreprises locales innovantes, souhaite offrir à la famille royale britannique un bijou en or destiné à rendre hommage aux soldats disparus en 1916.

Interview de Vincent Becquet, consultant chez ARCEO à Amiens.

Quelle a été l’origine du projet ?

En 2015, Virginie et Stéphane Conty ont fait appel à notre cabinet pour réfléchir, avec eux, sur la stratégie d’innovation de la bijouterie Flinois. Installée à Amiens depuis 1739, la bijouterie dispose d’un fort ancrage historique local mais il lui faut évidemment préparer l’avenir.

Au cours de nos échanges nous avons abordé de nombreux sujets à la fois techniques et historiques. Comme beaucoup d’entreprises locales, la bijouterie Flinois a été fortement impactée lors la Grande Guerre et l’idée de construire un projet spécifique pour le centenaire de la Bataille de la Somme a fait sens. Dès le départ, Virginie et Stéphane Conty ont souhaité rendre hommage aux soldats du Commonwealth morts sur notre sol. Nous savions que durant la Première Guerre mondiale, les soldats britanniques avaient envoyé, à leurs familles, des milliers de cartes postales et d’objets à l’effigie de l’ange pleureur. Cet ange, sculpté au XVIIème siècle et qui nous interroge sur le temps qui passe et sur la mort, est un élément emblématique du statuaire de la cathédrale Notre Dame d’Amiens. Nous ne pouvions rêver de meilleur support pour notre projet. Restait à trouver le moyen de le transformer en bijou avec pour objectif de l’offrir à la famille royale britannique.

Quel a été le rôle du cabinet Arceo dans le projet ?

Nous avons joué le rôle de coordinateurs du projet. De sa conception à sa réalisation, nous avons assuré le pilotage global. Les chefs d’orchestre en quelque sorte.

Pouvez-vous nous décrire les étapes du projet ?

Virginie et Stéphane Conty nous ont accordé une totale liberté dans la coordination du projet et nous tenons vivement à les en remercier. La seule contrainte, que nous partagions avec eux, était de privilégier les savoir-faire locaux. Pour rester dans notre mission initiale nous avons opté pour l’utilisation des technologies numériques et de la fabrication additive (impression 3D) en or. 

La toute première étape fut donc de réaliser un scan de la statue. Pour ce faire il nous a fallu obtenir les autorisations AP04administratives obligatoires. Architecte des bâtiments de France, évêché, services culturels de la Cathédrale et bien entendu les monuments nationaux pour le droit à l’image. Nous devions évidemment les rassurer sur notre capacité à intervenir sans risque de détérioration de l’oeuvre. C’est l’entreprise Etoele, basée à Amiens, qui s’est chargé de cette opération avec un scanner à lumière structurée. Leur maîtrise de cette technologie leur a permis d’intervenir en une demi-journée sans jamais mettre en péril la statue.

Traitées par ordinateur, les images ont construit une première représentation numérique 3D de l’ange. Nous savions que ce premier résultat présenterait de nombreuses imperfections mais je dois reconnaître qu’il était déjà bluffant. C’est l’entreprise PIXO3D, également basée à Amiens, qui s’est chargée de la correction du fichier. Spécialiste de la modélisation 3D, Ivan LEE a donc traité, corrigé, en quelque sorte sculpté, numériquement l’ange pour le rendre exploitable à l’impression. C’est également lui qui, par le traitement des textures, nous a offert une représentation virtuelle du résultat final. Difficile de décrire notre réaction mais ce fut une grande émotion. Le rêve se concrétisait sous nos yeux.

La dernière étape du projet a eu lieu à Blangy-sur-Bresle au sein des locaux de l’entreprise MMB (Volum-e). Leur expertise en fabrication additive métallique est reconnue dans le monde entier et nous savions qu’ils maîtrisaient déjà l’impression en métal précieux. Ils ont travaillé en étroite relation avec PIXO3D pour tenir le délai que nous avions fixé. Le résultat, que vous pouvez découvrir sur le film ci-dessous réalisé par l’agence amiénoise Luminance, fut largement à la hauteur de nos espérances.

Image de prévisualisation YouTube

 

Vous parlez de délai. Combien de temps entre le démarrage du projet et le résultat final ?

Le challenge était relevé. Bien que nous ayons dessiné les contours du projet en fin d’année 2015, nous n’avons réellement commencé à le mettre en place qu’à partir du mois de mars. Le temps d’obtenir les autorisations nous étions déjà au mois de mai. Les partenaires du projet se sont donc montrés très réactifs et l’impératif du 1er juillet a été scrupuleusement respecté.AP02

Pourquoi un tel impératif ?

Tout simplement pour être prêts lors des commémorations du centenaire de la Bataille de la Somme. Nous savions que la famille royale serait présente à Amiens à cette occasion. Virginie et Stéphane Conty avaient entrepris les démarches officielles pour pouvoir offrir le premier bijou à la Duchesse de Cambridge Kate Middleton dont l’arrière-grand oncle est tombé au combat en juillet 1916.

Le bijou a-t-il été remis ?

Bien que nous ayons reçu le soutien des plus hautes autorités, le cabinet de la famille royale nous a informé au dernier moment que, pour des motifs protocolaires et sécuritaires, ce ne serait pas possible à Amiens le 1er juillet. Nous espérons tout de même l’offrir très bientôt dans un autre cadre.

> Voir le triptyque qui accompagne l’écrin du bijou et qui reprend l’histoire de l’ange et du projet en 3 langues (Français, Anglais et Picard)

Quelle suite envisagez-vous de donner à ce projet ?

Difficile à dire à l’heure actuelle. Nous avons été un peu dépassé par l’engouement qu’a suscité cette réalisation. Nous ne nous attendions pas à un tel accueil. De nombreuses personnes appellent la bijouterie pour demander s’il est possible d’acheter un ange. Ce qui est certain c’est que l’expérience a démontré que nous avions les bons partenaires pour conduire des projets à la fois techniques et artistiques. Il est donc peu probable que nous nous arrêtions à cette expérience et nous réfléchissons déjà avec les époux Conty à de nouveaux challenges.

100% régional, est-ce que ce type de projet pourrait se reproduire ? dans d’autres domaines ?

Je l’espère. Comme je l’ai dit nous avons trouvé de bons partenaires et, même s’il y en a d’autres, nous comptons continuer notre collaboration au-delà de ce projet. Nous espérons que cette expérience, cette expertise, intéressera d’autres acteurs régionaux, nationaux et pourquoi pas internationaux. Les technologies numériques mises en oeuvre (scan, fabrication additive) rendent possible les projets les plus fous et comme nous n’aimons pas l’impossible, le monde est un terrain de jeu qui ne nous fait pas peur.

Merci à Vincent Becquet pour cette interview !

> A noter que vous pouvez retrouver tous les acteurs cités sur la carte interactive régionale des compétences en impression 3D.

Voir aussi les articles suivants :

L’ange pleureur va devenir un vrai bijou – Courrier Picard 17/05/16

Le petit ange pleureur vaut de l’or – Courrier Picard 01/07/16

La nouvelle vie de l’Ange pleureur – Courrier Picard 08/09/16

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