« 24H de Saint Jo » un outil pédagogique unique pour développer l’innovation !

Dans le cadre des 24h de St Jo, rencontre avec Thierry MAISON, professeur d’ingénierie mécanique au Lycée & Campus Saint Joseph de Saint Martin Boulogne (62) qui travaille avec ses élèves sur la modélisation et la conception de prototypes innovants de voitures radio-commandées destinés à une course de 24H.

Interview (passionnée) de Thierry Maison, professeur au Lycée St Joseph.

Pouvez-vous nous expliquer le concept des 24H de St Jo ?

Thierry Maison, professeur d’ingénierie mécanique

Tout a commencé en 2002 quand j’ai imaginé le projet fou de réaliser une course de 6 heures dans laquelle seront en compétition des voitures radio-commandées réalisées entièrement par les élèves. Au vu du succès de cette première édition, je me suis demandé : « Mais pourquoi ne pas réaliser la course sur une durée de 24H ? ».
L’évènement « les 24heures de Saint Jo » était né !

Aujourd’hui, les 24H de Saint-JO sont une course Internationale de voitures radio-commandées « électriques » et « hybrides- hydrogène » à l’échelle 1/10ème, entièrement réalisées par les élèves. Les 24h de St JO repensent le concept des courses du championnat du monde d’endurance en version miniature. Cet évènement est l’aboutissement d’une année de pédagogie de projet, de R&D, de conception, de fabrication et d’assemblage des véhicules par les élèves dans le cadre des activités d’innovation technologique dans leur formation de sciences et technologies industrielles.

Ce projet intergénérationnel permet de faire travailler en commun des jeunes d’écoles primaires, des collégiens, des lycéens et des étudiants de BTS. Le concept 24H fait découvrir aux plus jeunes la création et l’innovation technologique, l’éco-conception, les énergies du futur et le développement durable, secteurs dans lesquels vont se développer les métiers de demain.

Quelle est la plus-value de ce projet pédagogique dans leur cursus ?

Les 24H de Saint Jo sont un projet éducatif, innovant et international. Tout l’intérêt de l’évènement réside dans la pédagogie avant-gardiste adoptée par l’établissement pour former les élèves. Les jeunes sont les acteurs directs du projet tout au long de l’année et bénéficient d’un apprentissage concret.

Sensibiliser les jeunes générations aux problématiques environnementales et technologiques est un travail d’éducation sur le long terme. À travers la construction de leur voiture, les participants roulent vers des solutions adaptées au monde contemporain. L’intérêt pédagogique des 24H de Saint Jo est donc le rôle central des élèves.

La création et l’innovation technologique sont au cœur de l’enseignement mais surtout du travail d’équipe résultant de la collaboration entre le corps enseignant et les élèves.

À travers cet évènement, l’établissement relève le défi « d’apprendre autrement » en cassant les codes de l’enseignement traditionnel.

Les 24H de Saint Jo mettent en valeur la créativité des élèves. L’importance du design de la voiture est prise en compte, autant que son ergonomie. Celle-ci combine matériaux, composants numériques et énergie propre pour s’imposer comme une voiture révolutionnaire.

Les problématiques environnementales et la mobilité durable sont aujourd’hui des sujets primordiaux qui méritent toute l’attention des acteurs du secteur automobile et du transport.

Ce projet donne des éléments de réponse aux acteurs déjà présents.

Les participants sont aujourd’hui des élèves qui seront demain les acteurs potentiellement directs de ces secteurs. Il est donc primordial de les sensibiliser tôt à la transition énergétique et à la mobilité durable, en accord avec les valeurs de la 3e révolution industrielle en Hauts-de-France.

Ce projet se réalise en équipe. L’intérêt du groupe, la solidarité, la cohésion, l’acceptation de l’autre, l’entraide, sont des valeurs que la préparation du projet et la participation à la course développent.

L’ouverture à l’international est un autre intérêt de l’évènement. Les 24H de Saint Jo permettent à l’établissement de recevoir des équipes étrangères, s’ouvrant ainsi aux autres et au monde.

 Comment êtes-vous arrivés à limpression 3D au lycée ?

L’impression 3D est arrivée dans notre Lycée par notre culture de l’innovation et de par mon parcours, étant issu d’une formation en génie mécanique productique et donc spécialiste de la conception mécanique, de la conception et de l’usinage. En 2010, nous avions encore une filière de BAC STI GMP qui fonctionnait très bien grâce aux 24H et que nous voulions « moderniser » en lui donnant une philosophie plus « FABLAB » et en y ajoutant quelques procédés innovants. Très vite nous avons acquis une imprimante 3D, une découpe vinyle… nous avions déjà 6 machines CN d’usinage et une dizaine de machines traditionnelles, une plieuse, une thermoformeuse… Nous avons réorganisé l’atelier et notre FABLAB était né, grâce aux 24H !

En 2013, la réforme du BAC STI, devenu STI2D (sciences et technologies de l’industrie et du développement durable), nous obligeait à quitter l’usinage pur et la production de série pour aller vers la pédagogie de projet et vers la création et l’innovation technologique. Et bien sans le savoir, nous étions déjà prêts, encore grâce aux 24H !

Nos mini-bolides ont donc fortement évolué grâce notamment à l’impression 3D qui nous à vite permis d’aller vers des formes impensables auparavant.

En 2019, dans une nouvelle évolution du BAC STI2D, le référentiel nous demandait de créer un FABLAB. A nouveau, nous étions prêts !

Actuellement, notre espace de coworking est équipé de :

– 4 imprimantes 3D Zortrax M200
– 1 imprimante 3D Zortrax M300
– 1 tour CN Realmeca Conventional Plus (tourelle 8 outils)
– 1 fraiseuse CN Realmeca Conventional Plus
– 1 découpe vinyle STIKA
– 1 soufflerie aérodynamique (conçue par nos soins pour nos mini bolides)
– 1 espace de prototypage électronique/numérique
– 1 thermo plieuse
– 12 perceuses à colonne

Au-delà de la fabrication additive, quelles technologies comptez-vous exploiter ?

La mise en place d’une catégorie spéciale « Voiture hydrogène » dans une épreuve internationale nommée « H2 WORLD TROPHY » (piles à combustible hydrogène), nous permet de démontrer que des voitures propulsées à l’énergie hydrogène peuvent participer et même gagner des compétitions automobiles, certes à une échelle réduite. Cette « internationalisation » des 24H se décline en plusieurs objectifs forts : familiariser les jeunes générations à l’énergie hydrogène, les faire travailler en collaboration en partageant les technologies et les savoir-faire, et valoriser l’apprentissage les langues étrangères « par la pratique ». L’association des entreprises et des institutions territoriales au projet lui confère également une dimension entrepreneuriale primordiale.

A l’occasion des Assises Européennes de la transition énergétique organisées à Dunkerque en 2019, les 24H de Saint Jo ont été mis à l’honneur en remportant la première édition des Trophées de l’hydrogène dans la catégorie « de la sensibilisation, de l’Éducation et de la formation ». Le prix nous a été remis des mains d’Arnaud  Leroy, président de l’ADEME.

Nous avons également développé un chalutier et un hors-bord tous deux hybride hydrogène.

Quelles sont les avantages et enjeux de limpression 3D dans le processus pédagogique ?

Les élèves ont très vite compris qu’ils pouvaient matérialiser leurs idées très rapidement en passant de ce qu’ils ont dans la tête à quelque chose dans leurs mains !

Avant d’imprimer, il faut modéliser en 3D…

Néanmoins, l’apprentissage de l’outil de CAO 3D est primordial, car l’impression 3D n’est que le procédé de prototypage… le plus dur étant de concevoir le modèle ! et ça c’est une autre histoire…

Nous utilisons le modeleur volumique Solidworks  sur lequel les jeunes passent beaucoup de temps d’apprentissage. Pas toujours facile pour eux, mais quand ils matérialisent par l’impression 3D  leur modèle, ils comprennent beaucoup plus vite.

Logiquement, de plus en plus de pièces imprimées 3D sont montées sur nos bolides (ABS, PLA, FLEX, ABS Carbone…). Les divers modules de Solidworks nous permettent de simuler les comportements mécaniques des pièces crées en fonction des matériaux et comparer les différents impacts environnementaux : rien n’est donc fait au hasard sur ces petites voitures !

Ce procédé de réalisation nous fait également gagner un temps fou car l’apprentissage est beaucoup moins lourd que l’usinage sur commande numérique par exemple. C’est toute une alchimie entre différents moyens de réalisation qui rend nos petits bolides si fiables et si complets.

Vous venez de maquetter une Audi RS5 Hybride Hydrogène presque uniquement par impression 3D, est-ce un futur véhicule pour la compétition 2021 ?

Ce maquettage annonce effectivement 2021 mais toute son histoire est liée en partie au Covid-19.
(voir photos ci-dessous)

Les élèves sont partis d’une feuille blanche pour définir ce nouveau véhicule. 3 projets distincts ont été décidés et 9 élèves de première STI2D ont été associés pour construire cette Audi RS5 innovante :

– L’adaptation d’un prolongateur d’autonomie à hydrogène
– Un train avant repensé pour améliorer la tenue de route
– Un système de télémétrie permettant de récupérer la consommation électrique du véhicule en temps réel dans les stands sur un PC.

Le défi : être en capacité de dévoiler un prototype viable au public lors des 24H de Saint JO édition 2020 !

Ces 3 projets ont été lancés mi-février 2020, un mois tout juste avant le premier confinement… Comment allions-nous faire ? Nous nous sommes remontés les manches avec les élèves : certains ont installé différents outils logiciels chez eux et, au gré des visios à n’en plus finir, nous avons réussi à mener ce projet à son terme. J’avais réussi à embarquer une imprimante 3D chez moi, certains élèves en avaient chez eux, d’autres ont commandé des capteurs et modules Arduino, se sont formés au codage… Et cette voiture est née malgré l’ « école à la maison ». Quelle magnifique expérience de collaboration à distance, tout le monde s’en souviendra !

Ce prototype est à 80% réalisé avec des pièces imprimées en 3D, les autres composants étant soit découpés au laser, soit achetés (la pile à combustible, le moteur électrique et la batterie). Le projet est fonctionnel et les élèves sont très fiers (et moi aussi d’ailleurs) du résultat !

J’en profite pour remercier Stéphane Watré, spécialiste de la fabrication additive et sa startup Accante, pour son aide et ses précieux conseils sur le projet, une véritable collaboration école-entreprise très riche pour nos jeunes !

En tant que professeur en ingénierie mécanique, quelle est votre vision par rapport au développement de limpression 3D ?

Selon moi, l’impression 3D n’en est qu’au début. Tout va encore évoluer, dans les matériaux, les vitesses d’impression, les prix des machines. Je suis impatient de pouvoir travailler avec des imprimantes métal à l’école pour élargir les possibilités et encore augmenter la fiabilité et la compétitivité de nos bolides. Ce procédé permet de révolutionner les formes et la conception, il permet également d’attirer les jeunes vers nos filières technologiques par sa relative facilité de mise en œuvre.

Merci beaucoup à Thierry Maison pour nous avoir partagé toute sa passion !

>>> Retrouvez les 24H de St Jo édition 2021 <<<

 

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